Insecticide Cruiser
Nouvelle menace pour les abeilles
Les apiculteurs sont inquiets : le ministère de l'Agriculture vient d'autoriser l'utilisation du Cruiser, un nouveau produit d'enrobage des semences très toxique pour les abeilles.
L'Union nationale de l'apiculture française (Unaf) va déposer une requête en annulation de la décision ministérielle d'autorisation du Cruiser devant le Conseil d'État. Car cet insecticide est dangereux pour les abeilles. Il fait partie de la même famille que le Régent et le Gaucho dont la filière apicole a obtenu, de haute lutte, l'interdiction depuis 2004.
Ces produits ne tuent pas directement les abeilles, mais attaquent leur système nerveux. Elles deviennent alors incapables de retrouver leur ruche. Selon les apiculteurs, l'utilisation de ces insecticides sur les grandes cultures serait l'une des causes principales de la disparition de plusieurs millions d'abeilles depuis une dizaine d'années. Une hécatombe qui, si elle perdure, pourrait avoir des conséquences catastrophiques sur l'environnement et la biodiversité. Les abeilles sont en effet responsables à 80 % de la pollinisation des plantes à fleurs, permettant ainsi leur reproduction.
Depuis le retrait du Gaucho et du Régent, les apiculteurs avaient constaté une nette amélioration : « La mortalité des abeilles était redescendue l'hiver dernier à un niveau naturel, situé entre 5 et 10 % », a précisé Henri Clément, le président de l'Unaf, au cours d'une conférence de presse, le 29 janvier dernier. Un répit de courte durée, semble-t-il. Ainsi, en Italie, l'utilisation du Cruiser l'an dernier aurait entraîné la disparition de 40 000 ruches.
Au vu du profil toxicologique du Cruiser, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) avait rendu en novembre dernier un avis très sévère et demandé que les ruches soient éloignées de 3 kilomètres lors de la floraison des maïs issus de graines enrobées de Cruiser.
Un mois plus tard, l'Afssa revoyait sa copie, estimant que l'insecticide pouvait être utilisé sous certaines conditions : par exemple, il ne devrait s'appliquer que sur du maïs (à l'exception du maïs doux et du maïs de lignées mâles pour la production de semences) et uniquement une fois tous les 3 ans sur la même parcelle. De plus, les cultures suivant un maïs Cruiser ne devraient pas être attractives pour les abeilles (par exemple, le blé est possible, mais pas le tournesol ni le colza), etc.
Selon l'Unaf, un tel luxe de précautions n'a rien de rassurant, d'autant que compte tenu de la complexité des conditions d'emploi du Cruiser, leur contrôle semble illusoire, faute de moyens supplémentaires.
Décidément, l'objectif de réduction de 50 % des pesticides d'ici 2012 décidé lors du Grenelle de l'Environnement semble bien mal parti !
Florence Humbert