Je m'en vais sur les routes vers la Manche via Paris.
Après cette année houleuse de confrontations avec l'administration spécialisée et éducation nationale, quelques vacances au sens premier du terme, nous feront le plus grand bien.
Un clin d'oeil du destin
J'ai appris que des élèves du lycée d'exception dont ne fera bientôt plus parti Fiston ont voulu faire le blocus,
acte de rébellion folle connaissant les lieux et la direction que l'on continue de vouloir affirmer être à l'écoute et
"si humaine".
Dommage qu'elle l'ait si peu été pour Fiston mais nous n'avons sans doute pas la même notion de l'humanité.
Donc, ces élèves, ayant voulu faire comme partout ailleurs et manifester leur soutien aux camarades bloqueurs, se sont emparés des poubelles du lycée.
Mais veillait Monsieur le Proviseur, lequel s'est accroché de toute sa loi sa loi et son autorité ministériellement reconnue pour remettre dans les rangs ces jeunes fous.
Mais j'ai senti que même, en ces lieux si mythiques du savoir lié à l'autorité, des jeunes avaient gardé leur fraîcheur de pensée et de création de leur vie.
Acteurs de leurs destinées.
Enfin, quelques paroles rassurantes sur mes colères dernières.
J'ai obligé l'équipe de suivi de l'Unité Pédagogique d'Intégration à réfléchir sur leur politique d'intégration du Handicap et des véritables enjeux pour les élèves avant d'être pour les professionnels.
Mais il reste tant à faire, la route est encore longue pour faire admettre que ce n'est pas l'égalité dans les la forme dont on besoin les personnes en situation de handicap mais d'égalité sur le fond.
Une personne en situation de handicap ne sera JAMAIS valide et c'est ségrégation que de ne pas vouloir tenir compte des limitations, surtout lorsqu'elles le demandent.
C'est là que le bât blesse.
On veut à tout pris mettre les gens dans des moules tout préparés, hors, cela convient à certains mais pas forcément à tout le monde.
Et la véritable égalité sera lorsque l'on respectera le droit à chacun d'être ce qu'il est en fonction de ce qu'il peut être.
Cela est valable pour chacun de nous.
Enfin pour terminer, j'ai une pensée pour tous ceux pour qui seront seuls, tous ceux qui souffrent en maison de retraites, à l'hôpital ou sans argent, dehors.
Une pensée pour tous ces enfants oubliés de nos sociétés.
Isabelle Simon et Olivier Douzou
Editions du ROUERGUE
Un enfant regarde par la fenêtre dans la rue la nuit.
Dans la buée de la fenêtre du côté où il fait chaud, il y a un petit bonhomme. Un petit bonhomme sur le carreau. Côté recto.
Ce n'est qu'un petit bonhomme dessiné du bout des doigts, il a des yeux mais il ne voit pas.
De l'autre côté de la fenêtre, du côté où il fait froid, il y a des tas de petits bonhommes, des petits bonhommes sur le carreau sur la paille et dans la misère. Côté verso.
Ce n'est qu'un petit bonhomme, dans la buée sur le carreau. Il a une bouche mais ne parle pas.
De l'autre côté de la fenêtre, du côté où il fait froid, les petits bonshommes sur le carreau ouvrent la bouche quand il faut parler, mais il en sort de la fumée. Il fait si froid de ce côté-là, Côté verso.
Ce n'est qu'un petit bonhomme dessiné du bout du doigt, il sourit jusqu'à ses oreilles, mais il n'entend pas.
De l'autre côté de la fenêtre, du côté où il fait froid, les petits bonshommes murmurent, ils parlent devant les murs qui n'ont pas d'oreilles devant le soupirail et écoutent les bouches d'égout qui restent muettes.
Ce n'est qu'un petit bonhomme, dans la buée sur le carreau, il lève les bras, il est heureux, mais il ne le sait pas.
De l'autre côté de la fenêtre, du côté où il fait froid, les petits bonshommes qui sont sur le carreau baissent leurs bras, se cachent la face et tournent le dos, c'est le revers, c'est la misère, c'est le côté verso.
Ce n'est qu'un petit bonhomme dessiné du bout du doigt, il a une tête mais il ne le sait pas.
De l'autre côté de la fenêtre, côté verso vivent les petits bonhommes, dans la rue qui n'est pas un endroit, mais c'est leur unique berceau du côté où il fait froid.
Un petit bonhomme à la fenêtre né sous une bonne étoile, d'une trace de doigt dans la buée sur le carreau. Il a de la chance mais il ne le sait pas.
De l'autre côté de la fenêtre, du côté où il fait froid, il y a des tas de petits bonhommes qui s'endorment et qui rêvent à la belle étoile, entre les poubelles, sur le carreau.
Un tout petit bonhomme dessiné du bout des doigts dans la buée sur la fenêtre, côté recto, qui a une tête, des oreilles, une bouche, des yeux et des bras. Il a un coeur mais il ne le sait pas.
De l'autre côté de la fenêtre, du côté où il ne fait pas chaud il y a des tas de petits bonhommes, qui vivent par terre pétrifiés par le froid jusqu'au bout des doigts.
Ce n'est qu'un petit bonhomme dessiné du bout du doigt, sur le carreau, côté recto mais il sera du côté où il fait froid, côté verso dès qu'on tirera le rideau.
Et il ne le sait pas.
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