Rechercher dans ce blog

18 février 2008

L'adolescence des enfants surdoués

Pouvez-vous nous rappeler ce que l’on appelle un enfant “surdoué” ?
Dr Olivier Revol. On utilise ce terme lorsqu’un enfant présente un quotient intellectuel supérieur à 130 (le Q.i. habituel se situe entre 90 et 100). Il bénéficie en fait d’une avance intellectuelle par rapport aux autres enfants de son âge, c’est pourquoi on le qualifie d’“intellectuellement précoce”. On estime environ à 4 % le nombre de ces petits surdoués (un ou deux par classe).
Habituellement, quels signes permettent de déceler un enfant précoce ?
Dr O.R. Ces enfants étonnent tout d’abord par la rapidité de leur pensée (des bébés très vifs retiennent déjà l’attention de leur entourage !). Très curieux, ils commencent à parler tôt : à 18 mois, certains formulent des phrases complètes. Ils posent énormément de questions dont beaucoup ne sont pas de leur âge car concernant des problèmes existentiels : l’univers, l’origine de la vie... la mort. Ils témoignent aussi d’une grande sensibilité. Le diagnostic de précocité intellectuelle s’effectue au moyen d’un test d’intelligence chez un psychologue.
Quels sont les risques de déstabilisation chez un enfant dont on n’a pas découvert la précocité ?
Dr O.R. Il faut tout d’abord savoir que beaucoup d’enfants surdoués et non repérés pour leur précocité vont bien. Mais un certain nombre d’entre eux s’ennuient en classe et ne travaillent pas. Comme ils comprennent vite, ils n’ont pas le sens de l’effort ni de la méthode, refusent les règles, les consignes, tout ce qui est routinier et répétitif. Ils font preuve d’une grande anxiété car leur maturité intellectuelle est en avance par rapport à leur maturité affective. Comme ils sont en décalage par rapport aux autres enfants, ils se sentent isolés. Certains présentent des troubles du comportement (agitation, provocation...) et perturbent leur classe, leur environnement familial.
Pourquoi la période de l’adolescence est-elle particulièrement à risque chez les jeunes surdoués ?
Dr O.R. L’adolescence est déjà en soi une étape difficile à franchir. Mais pour les surdoués, et plus spécifiquement pour ceux n’ayant pas été repérés et encadrés, elle risque d’être vraiment problématique avec des conséquences désastreuses. Le premier sujet d’anxiété concerne les modifications de leur corps qu’ils doivent subir passivement car ils n’ont là-dessus aucun contrôle. Et c’est bien cela qui les inquiète, les perturbe. Autre motif de déstabilisation : si, comme la plupart des adolescents, ils rentrent plus ou moins en conflit avec leurs parents, ils n’ont pas le moyen de recourir à l’amitié d’un groupe de camarades puisqu’ils sont souvent isolés. Ils sont donc tristes, seuls, souffrent en silence de ce que j’appellerais : “un désenchantement”. Ils se disent : “la vie... à quoi ça sert ?” Tous les problèmes de l’adolescence sont amplifiés du fait de l’effet “loupe” de la précocité. Ils deviennent excessifs, angoissés. Certains commencent à présenter des troubles obsessionnels (des Toc), comme par exemple celui qui impose de se laver les mains sans arrêt. Le danger, à ce stade, est un arrêt des études (ils sont d’ailleurs souvent devenus la tête de Turc de leur classe) et un problème de non-intégration sociale. Dans les cas sévères, on peut même craindre une dépression. Ces risques sont plus graves chez les garçons que chez les filles qui, elles, s’adaptent mieux.
Comment les prendre en charge pour les aider à franchir cette étape de la vie ?
Dr O.R. La première démarche doit consister à leur faire accepter d’aller consulter un psychiatre ou un psychologue qui effectuera un test de diagnostic pour évaluer leur quotient intellectuel. Ensuite, après confirmation de la précocité, plusieurs entretiens psychologiques seront nécessaires afin de permettre à l’adolescent d’exprimer ses soucis, ses inquiétudes, voire une souffrance profonde. Le psychologue ou le psychiatre en charge du suivi donnera aussi des conseils aux parents afin qu’ils puissent aider l’adolescent à traverser cette période difficile. Je leur dis, par exemple : “Pour une conversation sérieuse, essayez de parler à votre enfant lors d’une activité ou en voiture, mais jamais face à face... Inscrivez-le dans une colonie spécialisée où il rencontrera d’autres surdoués, aidez-le à être sociable... Quand il est désagréable, ne prêtez pas trop d’attention à ses paroles, mais tentez de comprendre le message profond qu’elles cachent.”
Et que faire pour éviter un retard dans les études ?
Dr O.R. Il peut être nécessaire d’accélérer la formation scolaire en faisant sauter une classe à l’adolescent ou en le plaçant dans un collège spécialisé pour enfants précoces où les élèves poursuivent leurs études en trois ans au lieu de quatre. Dans ces établissements, les professeurs sont spécifiquement formés pour enseigner aux surdoués.
Dans les cas graves, lorsque les adolescents sont devenus dépressifs, comment les traite-t-on ?
Dr O.R. Il arrive qu’une hospitalisation soit nécessaire dans un centre de référence spécialisé (par exemple au C.h.u. de Rennes). Là, on leur prescrit éventuellement un traitement médicamenteux (des antidépresseurs) avec toujours une prise en charge psychologique pour leur redonner un élan vital. Habituellement une semaine suffit pour éventuellement diminuer les troubles obsessionnels et remettre le jeune surdoué sur de bons rails.
Et à long terme, quels sont les résultats ?
Dr O.R. Globalement, ils se révèlent bons. Les adolescents se sentant enfin compris sont repartis dans la vie avec des aménagements scolaires, familiaux et sociaux qui leur permettent de poursuivre normalement leurs études. Leur atout de précocité n’est plus un handicap.
Olivier Revol est l’auteur de « Même pas grave ! L’échec scolaire, ça se soigne » (éd. JC Lattès).