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21 juillet 2008

L'échec ordinaire des adolescents précoces non reconnus

De nombreux enfants précoces se retrouvent en situation d'échec scolaire, contrairement à ce que l'on pourrait penser. Un article, paru dans Marie-France, a constitué le point de départ de cette étude.

Je vais évoquer l'histoire de ces enfants, dont l'entrée dans la vie scolaire avait été brillante et prometteuse, et tenter d'identifier les processus responsables de cette dégradation.
Nous verrons aussi les conséquences, chez certains adultes, de cette scolarité gâchée.
Quelques chiffres, tirés d'un sondage effectué auprès des MENSA, viendront compléter cet exposé ; ils seront parfois comparés aux chiffres concernant la population générale, fournis par la Direction de l'Évaluation et de la Prospective de l'Éducation Nationale.

L'histoire ordinaire

J'ai donc vu un grand nombre d'adolescents en échec scolaire après qu'ils ont suivi une Primaire sans difficulté, à la suite d'un article sur les enfants "surdoués" paru dans ce magazine féminin de large diffusion, "à la demande de nos lectrices" avait précisé la journaliste.
Cet article décrivait sommairement l'enfant doué, présenté comme un petit génie, et évoquait surtout les difficultés d'intégration des enfants précoces, mais il parlait aussi de leur particulière rapidité à comprendre et à intégrer le savoir.
Suivaient l'histoire et l'interview de deux jeunes gens qui s'étaient mortellement ennuyés durant toute leur scolarité, avaient ignoré la notion d'effort à cause de leur extrême facilité, et n'avaient pu être enfin heureux que dans leur vie professionnelle.
Le fait que ce soit la lecture de cet article qui ait déterminé la consultation est à prendre en compte. Cette lecture a aidé les parents à prendre conscience de la spécificité de leur enfant et leur a permis d'entrevoir une amorce de solution, ou seulement d'explication, en considérant leur enfant sous un jour différent.
Ils disent : "en lisant cet article, j'ai trouvé que certaines phrases correspondaient tout à fait à ce que je pensais de lui, mais je ne me le formulais pas clairement".
Cet article, très journalistique, dans son sens accrocheur, comportait nombre d'erreurs, d'affirmations fausses, mais il a fonctionné comme un révélateur concernant la particularité de leur enfant.
À partir du moment où ses résultats scolaires avaient commencé à baisser, on l'a qualifié de paresseux, d'indifférent à l'échec scolaire, d'inconscient qui ne songe pas à l'avenir, toutes caractéristiques qui donnaient l'impression d'être énoncées un peu au hasard et pour donner une justification rationnelle à cet échec qui s'installait.
Ainsi, 52 % des MENSA ont connu une baisse générale de leurs résultats, et 67 % ont eu des difficultés particulières dans une classe, pourcentage qui monte à 76 % chez les moins de 25 ans.

Les fausses explications

Si la souffrance de l'enfant est trop évidente, la responsabilité est rejetée sur l'environnement scolaire : professeurs peu compréhensifs, voire sadiques, manquant de conscience professionnelle, éprouvant une rancune particulière à l'égard de leur enfant, et dont les annotations montrent le manque total de psychologie. De fait, ces enfants rencontrent parfois un mur opaque d'incompréhension absolue.
Chez les MENSA, 36 % ont vécu un conflit particulier avec un professeur.
L'article révélateur décrivait des enfants d'un certain type, comme celui-ci, c'est-à-dire " assuré d'être mal compris, ne cherchant pas à s'exprimer, méfiant à l'extrême... vivant en état de guerre contre lui-même et contre les autres, il ne sait plus être confiant, spontané, naturel ". Par ailleurs, " ses connaissances sont précises, étendues, sa mémoire est excellente et il fait preuve d'une grande rapidité dans les processus de réflexion ".
Une mère m'écrit : " j'ai été bouleversée par le comportement qui est décrit et qui correspond exactement à celui de mon plus jeune fils durant sa scolarité : il lui colle à la peau ! ". Puis, elle décrit un adolescent qui s'est ensuite replié sur lui-même.
Les adolescents que j'ai vus ont de 12 à 18, voire même 20 ans, mais ils sont encore dans le circuit scolaire et tentent désespérément de passer le BAC.
Aucun n'était passé en cours préparatoire avec dérogation, ce qui signifie qu'ils n'ont pas été reconnus comme précoces, mais, dans certains cas, la mère disait : " on me l'a proposé, mais je n'ai pas voulu pour qu'il profite encore de la maternelle et qu'il joue avant de connaître les obligations scolaires, mais maintenant je regrette ". Parfois, il y a un aîné qu'il serait ennuyeux de laisser rattraper par le cadet.
L'histoire scolaire de l'enfant est souvent la même : une Primaire qui s'est déroulé sans problème, l'enfant travaille peu à la maison, mais il a de bonnes notes, il est dans les premiers. Il évite ainsi d'attirer l'attention, car il se sent souvent déjà un peu différent des autres, sans pouvoir définir cette différence. On ne pense pas à lui faire sauter une classe, puisqu'il n'est pas le premier et que le premier peine parfois à se maintenir à cette place glorieuse. Donc s'il passait une classe, il faudrait agir de même avec le premier de sa classe qui ne pourrait suivre un rythme plus rapide, alors personne ne passe.
Cependant, 25 % des MENSA ont sauté une classe dans le primaire, et leur taux de redoublement y est de 5 %, très loin derrière le taux moyen qui était par exemple de 15 % en 1970.
Aucun événement n'a jamais justifié une interruption particulière, pas d'examen psychologique, pas de test, puisqu'il ne pose pas de problème. Il a des camarades, souvent un peu plus âgés que lui, et de nombreux centres d'intérêt. Il peut éprouver un certain ennui en classe, reconnu par 34 % des MENSA pour le Primaire, mais il le surmonte pour ne pas faire de peine à ses parents et en attendant le Secondaire dont il espère beaucoup, puisqu'on lui dit que c'est plus varié et plus intéressant. Bref, on décrit un enfant épanoui, presque heureux, avec juste quelques dissonances que tout enfant peut présenter au cours de son évolution.
Ses parents sont souvent fiers de lui qui fait preuve d'une telle aisance. Ils ont même un sentiment d'orgueil, comme cette mère qui décrit la belle et intelligente petite fille, semblable à une princesse, devenue adolescente apathique et indifférente, accumulant des échecs de plus en plus graves, qui vient me voir.

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