Cette déclaration de campagne a pour objet de guider les actions des organisations engagées dans une campagne mondiale visant à attirer l’attention sur les conditions de travail dans le secteur mondial de la fabrication des vêtements de sports, en amont des Jeux olympiques de Pékin 2008. En 2004, une des plus importantes mobilisations mondiales jamais organisées pour dénoncer des conditions de travail inhumaines a été lancée en amont des Jeux olympiques d’Athènes.
La campagne, intitulée « Jouez le jeu pour les JO » (« Play Fair at the Olympics ») est une alliance des membres nationaux d’Oxfam, des syndicats internationaux (dont l'ex-Confédération internationale des syndicats libres - CISL- et la Fédération internationale des travailleurs du textile, de l’habillement et du cuir - FITTHC), de la Clean Clothes Campaign (CCC) et de leurs membres à travers le monde. Elle vise a pousser les entreprises de vêtements et de chaussures de sport, le Comité international olympique (CIO), ses comités d’organisation nationaux (CNO) et les gouvernements, à prendre des mesures concrètes pour mettre un terme à l’exploitation et aux abus subis par les travailleurs – essentiellement des femmes – de l’industrie mondiale des articles de sport.
La campagne Play Fair reconnaît qu’il ne sera véritablement possible de mettre fin au système actuel d’exploitation et de violation des droits de la main d’œuvre dans l'industrie du sport que lorsque les gouvernements assumeront leurs responsabilités au niveau national et international pour protéger les droits des travailleurs et pour tenir les entreprises responsables de leurs pratiques d’emploi, et lorsque les travailleurs auront la possibilité de s’organiser pour défendre leurs intérêts.
Néanmoins, nous pensons que les instances sportives telles que le Comité international olympique, à travers les octrois de licence, et l'ensemble des entreprises qui commercialisent ou produisent des vêtements, chaussures et autres articles de sport, peuvent assumer leurs responsabilités dans une bien plus large mesure que ce n’est le cas actuellement.
Qu’avons-nous accompli à Athènes ?
Les marques
En 2004, notre campagne a fortement contribué à faire prendre conscience aux marques de vêtements de sport, en particulier les moins renommées, qu’elles ne pouvaient plus ignorer la question des droits des travailleurs ni leur responsabilité collective, avec leurs fournisseurs, envers les divers abus au travail, comme l'imposition de nombreuses heures supplémentaires pour des salaires de misère.
• Bien que nous ne soyons pas parvenus, à ce jour, à obtenir du secteur dans son ensemble qu’il s’engage à respecter le programme de travail défini en amont des Jeux d’Athènes, certaines marques de vêtements de sport – Asics, Mizuno, Puma et Umbro – ont répondu favorablement, et de manière crédible, aux demandes formulées dans le cadre de la campagne en matière de responsabilité sociale des entreprises. Toutefois, certaines des marques ciblées initialement – Fila, Kappa, Lotto – ne se sont toujours pas engagées à nos côtés de manière significative.
• Les principales marques d’articles de sport telles que Nike et Adidas/Reebok ont pris des mesures de publication d'informations relatives aux lieux de production des entreprises de leurs chaînes d’approvisionnement, et reconnaissent ouvertement que les initiatives prises aujourd'hui pour respecter leurs codes de conduite ne sont pas de nature à empêcher durablement les violations du droit du travail. Si elles reconnaissent qu'il est essentiel que le fournisseur respecte le principe de liberté d’association pour satisfaire aux normes du travail, elles persistent à adopter une démarche réactive et non proactive face à cette question.
• Bien que la campagne ait principalement visé les multinationales de l’industrie des articles de sport, elle est devenue une référence des relations industrielles dans d’autres aspects du secteur de l’habillement.
• Malgré cela, de nombreux fabricants d’articles de sport continuent à agir librement en parallèle des initiatives existantes multipartites pour traiter la question du droit des travailleurs dans les d’approvisionnement et doivent être amenées à adopter les pratiques exemplaires de ce secteur.
• Dans tous les cas, la question centrale de l'impact des pratiques d'achat sur les conditions de travail – absence d'un salaire minimum de subsistance et heures de travail excessives – doit être traitée par les entreprises et par l'industrie des articles de sports dans son ensemble.
Le CIO
La campagne Play Fair estime que le CIO a des responsabilités et le pouvoir de faire évoluer la question du droit des travailleurs dans divers secteurs qui contribuent au succès des JO, et soutient les initiatives visant à garantir le plein respect des droits des travailleurs dans ce secteur.
Dans le cas des vêtements de sport, bien que de nombreux comités olympiques nationaux et plusieurs athlètes se soient joints à l’appel de la campagne pour mettre un terme aux abus et à l’exploitation des travailleurs, le CIO a catégoriquement refusé, de son côté, de reconnaître sa responsabilité vis-à-vis des droits des travailleurs dans le cadre de ses accords de partenariat et d’octroi de licences au niveau mondial, national et des épreuves olympiques, tout en reconnaissant que les objectifs de la campagne rejoignaient les idéaux olympiques de fair play et d’éthique.
Gouvernements
Certaines des principales conventions de l’OIT n’ont toujours pas été ratifiées ou mises en œuvre par un certain nombre de gouvernements des principaux pays acheteurs et fournisseurs de l’industrie mondiale des articles de sport. Certains fabricants d’articles de sport qui mettent en œuvre un code de conduite basé sur les principales normes de l’OIT ont ainsi leur siège dans des pays qui n’ont pas ratifié ces normes, et se fournissent dans des proportions considérables auprès de pays qui ne respectent pas leurs obligations internationales.
Ainsi, à l’approche des Jeux olympiques de Pékin, la CSI, la FITTHC, la CCC et leurs partenaires internationaux ont lancé la campagne Play Fair 2008. Si nous souhaitons que les Jeux de Pékin soient un succès, nous espérons également que le gouvernement chinois s’inspirera de l’idéal olympique et montrera au reste du monde comment les principes de « fair play » peuvent être étendus au lieu de travail.
Ainsi, Play Fair 2008 souhaite saisir cette opportunité pour rendre visible la « face cachée » des Jeux olympiques – les conditions de travail quotidiennes des employés, en majorité des femmes, du secteur mondial des vêtements de sport et des secteurs liés aux Jeux olympiques –et pour faire pression sur l’ensemble des parties concernées autour de demandes fondamentales, à l’approche des Jeux.
Les demandes de la campagne
Nous enjoignons le Comité international olympique à :
● Faire de la ratification, de la mise en œuvre et du respect des principales conventions de l’OIT une condition préalable au choix des prochains pays organisateurs des Jeux olympiques.
● Exiger, comme condition contractuelle de l’octroi de contrats de licence, de partenariat ou de marketing, que les conditions de production des produits labellisés JO respectent les normes internationales du travail.
● Consacrer des ressources à la conduite d’enquêtes sur les conditions de travail et à mettre en place des mécanismes pour mettre fin aux pratiques abusives et irrespectueuses du droit du travail le long des chaînes d’approvisionnement du CIO et des CNO, et notamment des plaintes fondées.
● S'engager à promouvoir publiquement la nécessité de mettre fin à l’exploitation et aux abus existant dans l'industrie du sport.
● Veiller à ce que le respect des droits des travailleurs fasse partie intégrante de la Charte Olympique et du code d’éthique du CIO.
● Soutenir les efforts pris pour assurer le respect des droits des travailleurs d'autres secteurs liés aux Jeux olympiques.
Nous enjoignons les comités nationaux olympiques (CNO) et les comités d’organisation des Jeux olympiques (COJO) à :
● Œuvrer, à travers le CIO, à la mise en place de mécanismes pour mettre fin aux violations des droits et à l’exploitation des travailleurs décrits ci-dessus.
● User de leur influence sur les entreprises opérant dans leur pays et sur les sponsors de leurs équipes nationales pour les contraindre à prendre en compte les demandes de la campagne.
● Requérir des CNO et des COJO qu’ils publient les noms des entreprises avec lesquels ils ont conclu des contrats de licence, de partenariat et de marketing.
● Imposer aux entreprises, en tant que disposition contraignante des contrats de licence, de partenariat ou de marketing, qu’elles publient leurs lieux de production, et qu’elles s’assurent que les pratiques salariales et les conditions de production d'articles labellisés par les CNO et les COJO soient conformes aux normes internationales du travail.
Nous enjoignons les marques de vêtements de sport et les autres entreprises réalisant des bénéfices grâce aux Jeux à :
● Adopter des politiques d’approvisionnement imposant aux fournisseurs et à leurs sous-traitants de respecter les normes du travail internationalement reconnues.
● Agir, dans le cadre de leur politique d’approvisionnement, contre les retombées négatives que leurs pratiques d’achat peuvent d’entraîner sur les conditions de travail dans leurs chaînes d’approvisionnement respectives.
● Revoir à la hausse leurs propres normes et leurs attentes vis-à-vis des autres entreprises du secteur pour ce qui est de mettre fin à l’exploitation et aux violations des droits des travailleurs et de défendre, au minimum, le droit national, lorsqu’il n’est pas contraire aux normes internationales du travail.
● Prendre des mesures immédiates et positives spécifiquement destinées à assurer que le droit des travailleurs à constituer des syndicats, à se syndiquer et à mener des négociations collectives soit respecté tout au long de leurs chaînes d’approvisionnement respectives.
● Maintenir la production dans les usines où il existe un syndicat, et en cas d’extension de la production, à préférer les lieux de production où les syndicats sont respectés en droit et dans la pratique.
● Prendre des mesures concrètes sur la question des salaires vitaux (veiller à ce que les fournisseurs n’exigent pas le versement de cautions par leurs employés et à ce qu’ils paient les salaires à temps).
● Informer le public sur les conditions de travail dans lesquelles les produits qu’ils vendent sont fabriqués et à faire preuve d’une transparence totale dans l’ensemble des opérations commerciales et des contrats affectant les pratiques d’emploi et les conditions de travail.
● Publier les informations relatives à l’identité et à la localisation des usines de leurs fournisseurs.
Nous enjoignons les fournisseurs de vêtements de sport, de chaussures de sport et d’articles portant le logo olympique à :
● Mettre en place un cadre opérationnel de relations industrielles afin de garantir que les conditions de travail soient conformes aux normes internationales du travail et à la législation nationale du travail, en tenant compte d’une plus large protection des travailleurs concernés.
● Assurer, dans tous les cas, à ce que le travail accompli dans leurs chaînes d’approvisionnement respectives bénéficie de la protection garantie par un cadre de travail formalisé et par les normes du travail internationalement reconnues.
● Dans le cas d’articles fabriqués par des travailleurs à domicile, à respecter les droits fondamentaux des travailleurs, énoncés dans la Convention sur le travail à domicile de l’OIT (C177).
Nous enjoignons les gouvernements à :
● Faciliter le droit des travailleurs à constituer des syndicats indépendants, à se syndiquer et à négocier collectivement, par la ratification immédiate (si elle n’a pas encore eu lieu) et la pleine application des conventions de l’OIT concernées.
● Mettre en œuvre des politiques qui promeuvent un comportement socialement responsable dans les activités commerciales internationales, notamment la déclaration de principes tripartite de l’OIT concernant les Entreprises multinationales et la Politique sociale ainsi que les principes directeurs de l’OCDE pour les entreprises multinationales.
● Promouvoir le respect des droits des travailleurs dans les traités bilatéraux et internationaux et dans les accords commerciaux, et à travers les organisations internationales telles que l’OIT et les autres instances des Nations unies et organisations intergouvernementales.
● Promouvoir le rôle de l’OIT dans l’établissement de codes de conduite plus efficaces.
● Adopter des politiques d’approvisionnement garantissant le respect des droits des travailleurs.
Nous enjoignons le gouvernement chinois à :
● Tenir sa « promesse » selon laquelle les Jeux olympiques permettraient d’améliorer la situation des droits humains.
● Reverser les bénéfices des Jeux olympiques au peuple chinois.
● Ratifier et à mettre pleinement en œuvre les conventions 87 et 98 de l’OIT.
● Mettre fin aux violations des droits du travail comme la discrimination, le harcèlement, le licenciement ou l’emprisonnement des militants des droits des travailleurs.
● Mettre en œuvre et à veiller au respect des lois et des réglementations du travail existantes et à venir, y compris celles régissant les contrats de travail, les salaires et la protection des travailleurs, et à mettre fin à la culture d’impunité dont bénéficient les entreprises violant les droits du travail et les responsables gouvernementaux qui en sont complices.
● S’engager à améliorer de manière sérieuse et durable l’hygiène et la sécurité au travail.
● Mettre fin à la discrimination systématique envers les travailleurs chinois migrants.
● Abolir le système de rééducation par le travail (RTL).
● Libérer les militants du droit du travail.
Nous enjoignons les investisseurs à :
● Signifier à tous les fabricants de vêtements de sport que les mesures concrètes et crédibles qu’ils prennent pour mettre fin à l’exploitation de la main d’œuvre et aux violations des droits du travail seront des critères majeurs des prochaines décisions d’investissement.
La campagne Play Fair s’engage à faire campagne pour la réalisation de ces demandes, et appelle les travailleurs de l’industrie du sport à s’assurer qu’ils demeurent au centre de la campagne et à s’engager dans des actions de solidarité pour manifester ainsi clairement leur soutien au renforcement des droits fondamentaux des travailleurs. Nous appelons par ailleurs le grand public, notamment les consommateurs, les athlètes, les amateurs de sport, à prendre part activement à cette campagne en organisant des activités et en sensibilisant l’opinion publique aux demandes de la campagne, se joignant ainsi activement à nous pour faire de cette campagne un succès.