Rechercher dans ce blog

26 mars 2008

Témoignages d'adultes doués ou surdoués

anonymes, pêchés ici et là sur le net, dans le seul but de permettre à d'autres de s'y reconnaître.

j’ai appris à lire à 4 ans et quelque en 4 mois en écoutant les autres dans une classe unique au fin fond de la campagne. mes parents m’ont donc fait passer des tests et je suis entrée au CP avec un an d’avance. 1ère en CP, 2ème en CE1, 4ème en CE2, j’ai dégringolé du groupe des 8 meilleures (qui avait plus de travail personnel que le reste de la classe) à 9ème en fin de CM2 parce que je ne faisais que lire et pas mon boulot de la semaine, j’ai continué à chuter au collège, je lisais sans arrêt (6 bouquins le samedi après-midi en rentrant du bibliobus) … j’ai redoublé ma 3ème parce que je ne voulais pas aller en A, où j’étais admise, car je voulais être pilote. la directrice de mon collège, malgré des résultats nettement meilleurs, m’a dit que j’étais une fumiste, que son frère était pilote de chasse, que c’était très dur et que je n’y arriverais jamais, donc elle m’a envoyée en A (lettres), et pas en C (maths) où je voulais aller. je ne sais faire qu’une chose, écrire à peu près correctement, donc je ne faisais aucun effort, et j’avais des notes correctes sur la forme, et pas sur le fond, et je trouvais ça plutôt minable. je lisais toujours, en moyenne 3 bouquins par jour, sous mon banc, pendant les cours. j’ai eu mon Bac au rattrapage, parce que j’étais dans un très bon lycée et que je pensais que le niveau général me permettrait de l’avoir ; il me manquait 2 points, mais j’avais « doit faire ses preuves à l’examen ». j’ai fait une Maîtrise de Lettres sans avoir lu un seul des bouquins au programme en entier, j’étais dégoûtée de la lecture + incapable de lire autre chose que les romans dans lesquels je m’étais évadée au cours de toutes les années précédentes. en fait, je n’ai pas appris à lire … et j'ai toujours une culture générale très nulle, aucun sens de l'analyse, je ne sais pas faire de synthèse ... c'est assez catastrophique. j’ai réussi en pompant pas mal, parce que j’avais un style agréable (je trouvais ça toujours aussi lamentable), et parce que je me suis éclatée à faire 2 mémoires. j’ai ensuite fait un demi-DEA et une demi-licence professionnelle, et je suis partie aux USA comme assistante pendant 8 mois. je suis rentrée en France parce que j’étais enceinte, je me suis mariée, et j’ai eu 3 enfants.

j’ai pris 22 kilos en 14 ans (en valeur absolue, en réel, je ne compterai jamais, ça ferait trop mal), j’ai déprimé sérieux pendant pas mal de temps, je me croyais toujours bête, mais aussi à moitié cinglée et surtout vraiment nulle par rapport aux autres (je déteste le ménage, je n’aime pas jouer avec mes enfants, seulement leur raconter des histoires, organiser des anniversaires avec des dizaines de gamins m'horripile, je déteste ranger, je passe des heures à faire ce qui me passionne sans me soucier du reste, etc, etc.). mon mari ne cessait de me dire que j’étais extrêmiste, que je devrais être un peu plus normale, etc. j’ai cru pendant des années que c’était de ma faute, que j’avais vraiment un problème.et en oct 98, j’ai assisté à un colloque sur la précocité, simplement pour apprendre le fonctionnement de l’intelligence. j’ai passé la journée … à entendre parler de moi ! ça a été le plus gros choc de ma vie. soudain, tout prenait un sens, ma scolarité, mes différences, tout ce que j’avais vécu. mais je ne pouvais pas le croire, j’étais trop bête pour être surdouée, donc j’ai cherché à retrouver les tests que j’avais passés dans ma vie. rien retrouvé. j’ai décidé de passer un test de QI. résultat 117/118. j’ai plongé dans 3 mois de dépression, et puis j’ai osé me demander si par hasard la psy ne s’était pas trompée. j’ai passé un test sur ordinateur : 134, mais aucune certitude car le test n’était pas bien étalonné à ce niveau-là. 6 mois plus tard, j’ai osé me lancer dans le pré-test en ligne : 37 réponses justes sur 40 : « vous n’aurez aucun mal à entrer à Mensa ». impossible d’y croire. un mois plus tard, conférence d’Arielle Adda, ancienne psy de Mensa, je vais lui poser la question : oui, 37, c’est bien, mais 38, c’est mieux, et 39 et 40, encore mieux, donc j’ai combien de chances en vrai ? elle me répond d’y aller, de le faire, que les femmes renoncent trop souvent à ce stade-là. encore 5 mois avant d’oser m’inscrire pour le vrai test, 1 mois avant d’être prise en compte, et 6 mois pour oser aller le passer (oct 2000). 3 semaines d’attente, et le 2ème plus gros choc de ma vie : j’ai réussi 2 tests sur 4 et le 3ème me situe dans les 3 %. heureusement, car un seul test suffisait, mais avant, c’était 2, donc si je n’en avais eu qu’un, j’aurais pensé à un coup de bol et je n’y aurais pas cru. j’ai pleuré tout ce que j’ai pu, et j’ai ressenti un immense soulagement parce que c’était la preuve que je n’étais pas folle, et que je pouvais enfin me reconnaître dans ces caractéritisques qui expliquaient que mon comportement était dû à un cablâge différent et pas à des défauts que j’essayais vainement de corriger depuis tant d’années. à partir de là, ma vie est devenue beaucoup plus légère. je comprenais enfin les raisons de mes difficultés relationnelles, mais je ne pensais plus que c’était de ma faute, et j’avais la liberté de modifier mon comportement si je le souhaitais pour être enfin comprise, ou alors de rester ce que j’étais, différente et pas comprise, mais sans croire que c’était de ma faute. à partir de là, j’ai commencé à me reconstruire.je me suis inscrite à Mensa, mais ça a clashé très vite, au bout d’une semaine, avec une fille qui a vraiment un grave problème psy. je n’étais pas en état moral de gérer ça, et puis pour moi, réussir les tests de Mensa, c’était juste un moyen de savoir que je n’étais pas folle sans repasser un test de QI, ce que je refusais catégoriquement, vu ma première expérience. si j’avais pu avoir en plus des contacts sympas avec des gens comme moi, tant mieux, mais sinon, tant pis, ce n’était pas primordial. j’ai donc coupé avec Mensa, je ne faisais que recevoir le bulletin mensuel dont je ne comprenais pas la moitié (masturbation mentale, style ampoulé et précieux de certains articles, non-connaissance des gens …). je me suis crue assez bête pendant encore un moment, surdouée, oui, mais sans doute limite 132. pendant plus d’un an, j’ai été très déprimée, divergences de plus en plus profondes avec mon mari, qui n’est pas surdoué, psys, anxiolytiques et Cie … en janvier 2002, j’ai renoué avec Mensa de ma région, début mars, je me suis inscrite sur les listes de discussion réservées aux membres où je me suis éclatée, enfin en adéquation mentale avec des gens avec qui je partage une certaine idée de l’humour, etc., fin mars, le WM m’a dit que même lui n’a jamais fait 37 réponses justes au pré-test en ligne (et tout le monde connaît son QI ), en mai, j’ai participé à l’AG de Mensa et rencontré des M’s de toute la France en vrai, il y a 3 jours, week-end M’s dans la Loire … je suis enfin chez moi, et c’est quelque chose d’extraordinaire. c’est comme si j’avais passé ma vie à avoir mal aux pieds dans des escarpins trop petits avec un caillou dedans sans comprendre pourquoi je n’arrivais pas à sauter alors que les autres y arrivaient et en pensant être vraiment débile de ne pas y arriver aussi. j’ai enlevé le caillou, mes escarpins sont toujours trop petits et je sais que je dois les mettre pour sortir, mais j’ai trouvé une paire de chaussons hyper confortables que je peux mettre de temps en temps quand même. cela ne m’a jamais empêchée de remettre mes escarpins trop petits pour sortir ; simplement, cela guérit mes pieds meurtris et ça me permet même d’avoir de l’enthousiasme à remettre mes escarpins trop petits qui me font souffrir.car oui, bien sûr, je vivrai toujours dans un monde où 98% des gens ne me comprendront pas. j’y vis très bien, d’ailleurs, mes amis et mes relations avec les gens que je connais n’ont pas changé. mais il y a des endroits, des espaces, des moments où je suis moi, complètement moi, sans avoir besoin de cacher quoi que ce soit, et c’est extraordinaire. il m’a quand même fallu presque 2 ans pour oser laisser traîner chez moi des choses qui disent que je suis M’s. je ne le cachais pas, mais je n’en parlais pas. je n’en parle toujours pas, mais je ne cache rien. ça a été très long et pas facile, mais j’ai enfin reconstitué la personne que je suis en entier, en une seule personne. ça m’a coûté mon couple, mais je me suis trouvée, et ça n’a pas de prix. je serai toujours adhérente à Mensa, même si je n’y trouve plus rien, car c’est Mensa qui m’a fait renaître. maintenant, j’aide autant que possible des parents d’enfants précoces, parce que je voudrais que plus jamais un enfant IP vive ce que j’ai vécu, même si c’est loin d’être dramatique. on a tous le droit de savoir qui on est, parce qu’il est indispensable de le savoir pour pouvoir faire sa vie avec toutes les cartes en main. j’ai été d’une timidité maladive pendant des années, j’ai vécu avec l’angoisse au ventre pendant des années parce que je n’étais pas ce que l’on croyait de moi et qu’il fallait feindre de comprendre alors que je ne comprenais rien, j’ai cru pendant des années que j’avais vraiment un problème mental parce que je n’étais pas comme les autres et que je devais réparer cette tare, j’ai fait des choix de vie qui m’ont entraînée dans un sacrifice de moi-même qui a abouti à des années de dépression et qui entraînent maintenant un homme et 3 enfants dans la douleur … si je peux éviter ne serait-ce qu’à un enfant précoce de vivre ça un jour, ce que j’ai vécu n’aura pas été vain. d’ailleurs, j’ai une fille qui est précoce … inutile de vous dire qu’elle sait ce qu’elle est (seulement depuis que je sais moi-même que je suis surdouée, car avant, je la croyais comme moi, « normale ») ! elle est en train de s’approprier sa précocité, et ça se passe tranquillement et plutôt bien.sinon, je suis synesthète, aussi … je connais le mot depuis oct dernier, et c’est là aussi que j’ai appris que ce n’est pas un truc courant. cela ne m’a jamais dérangée dans ma vie de tous les jours, et je croyais que tout le monde l’était parce que ma mère m’avait dit un jour, il y a une quinzaine d'années, que ses voyelles n’avaient pas les mêmes couleurs que celles de Rimbaud. les miennes non plus, voilà tout … et puis lorsque j’ai découvert que c’était rare, je lui en ai reparlé … en fait, elle ne l’est pas du tout ! en revanche, ma fille l’est aussi. savoir que je suis synesthète m’a permis de rencontrer des gens qui le sont aussi, avec qui passe quelque chose d’encore plus intense. pour moi, c’est la cerise sur le gâteau, je vis dans un monde coloré et j’apprécie beaucoup ça.

voilà, j’ai été un peu longue, mais je crois que vous savez tout