Dans "Il risque de pleuvoir", Emmanuelle Heidsieck décrypte les stratégies des assureurs pour privatiser le système de santé.
"Le tsunami, c'est bon pour les assurances." A la onzième page du roman d'Emmanuelle Heidsieck, le décor est planté: bienvenu dans un monde aussi illisible pour les profanes qu'il est déterminant pour notre avenir. Dans "Il risque de pleuvoir", l'écrivaine-journaliste décrypte une stratégie: comment les assureurs veulent s'emparer de la Sécurité sociale… en faisant main basse sur les données de santé. Glaciale anticipation.
Il y a trois ans, son premier roman "Notre aimable clientèle" (Denoël) avait suscité un intérêt d'initiés. Journaliste spécialisée dans l'actualité sociale, Emmanuelle Heidsieck y décortiquait les changements de l'ANPE, ou comment l'agence pour l'emploi s'adaptait d'un service au public à un service au "client". L'air de rien, sur un ton parfois badin. Trois ans plus tard, plus personne ne rigole à l'heure de la fusion Unedic-ANPE.
Un assureur old school se rebelle contre les requins de la financeAlors, l'écrivaine récidive, mais cette fois en scrutant au plus près le monde grisâtre des assureurs. La scène? Un enterrement de première classe, où toute la profession parade. Le narrateur? Antoine, vieux crocodile au cuir épaissi par trente ans de métier. Antoine, cadre sup' mais prof' à Dauphine, catholique mais divorcé, bourgeois jusqu'au bout de ses vacances à Courchevel mais rebelle quand il faut saboter la mécanique implacable. Bref, un assureur old school qui conteste les nouveaux requins de la finance.
L'enjeu? Le contrôle des "données de santé", qui permettront aux grands groupes du secteur d'imposer un nouveau système de santé individualisé à l'extrême. En somme, une gifle à la Sécurité sociale française, solidaire et mutualisée. Dans la vraie vie, cette politique a été initiée par Alain Juppé à partir de 1996. (Voir la vidéo.)