Interview du docteur Michel Botbol, psychiatre et psychanalyste, spécialisé en psychiatre infanto-juvénile.
2 à 3% de la population française seraient concernés par les TOC (troubles obsessionnels compulsifs) et plus spécifiquement 1% de la population adolescente. Le docteur Michel Botbol vient d'écrire « Les TOC de l'enfant et de l'adolescent » -Solar, dans la collection Réponses à vos questions. Un ouvrage accessible et qui donne des pistes de réflexion à toutes les questions que peuvent se poser les parents.
A partir de quel âge peut apparaître un toc ?
Des tocs peuvent se voir a partir de 7 ans mais l'âge préférentiel d'apparition est le début de l'adolescence entre 10 ans et 12 ans.
Comment distinguer les petites manies/petites obsessions et un toc ?
Des petites manies sont habituelles et mêmes positives à certaines périodes du développement autour de 4-6ans, notamment le soir au coucher. D'ailleurs lorsqu'on interroge une population adulte normale, 80% des personnes interrogées ont eu des obsessions dans le mois qui a précédé.
Pour distinguer ces manies/obsessions des tocs, il faut entrer d'avantage dans les détails : dans les obsessions et compulsions des tocs, il y a une lutte anxieuse contre la pensée obsédante et contre les compulsions ; il y aussi l'idée que la pensée obsédante peut être la cause de ce qui est redouté si la compulsion n'est pas réalisée. Par ailleurs il y a l'idée que tout cela est absurde mais reste pourtant contraignant. Pour que le diagnostic de toc soit porté dans les classifications, il faut en plus que la gêne occasionnée par le toc dure plus d'une heure par jour.
Les Toc de l'enfant sont-ils différents de ceux de l'adulte ?
Dans les tocs de l'enfant, le sentiment d'absurdité de la pensée obsédante est souvent absent.
Ce qui finit par paraître anormal à l'enfant (qui se sent devenir fou) c'est le sentiment d'être contraint de réaliser la compulsion. Souvent chez l'enfant on ne retrouve pas l'idée obsédante mais seulement la compulsion. Lorsque l'on retrouve une obsession, elle a souvent à voir avec la peur de la contamination et l'idée que cette contamination va altérer les capacités scolaires ou avec la peur qu'une catastrophe n'arrive aux membres de la famille.
Les choses restent néanmoins souvent longtemps secrètes, l'enfant vivant le toc comme une particularité intime ou même comme la norme. Ce qui est alors perçu, c'est une tension anxieuse de l'enfant, une tendance à l'isolement, une irritabilité, un perfectionnisme ou une certaine lenteur. L'enfant cache donc ses tocs parce qu'il n'en ressent pas forcément le caractère absurde. Ce n'est que lorsque les compulsions deviennent excessivement contraignantes, et qu'il a peur de devenir fou, qu'il finit par en parler ; ou parce qu'il commence à être gêné dans sa vie quotidienne ; ou encore parce qu'il commence à être l'objet de moqueries de la part de ses camarades, ou de remontrance pour sa lenteur de la part de ses professeurs.
Comment réagir face à un enfant qui se crée quelques petits rituels dans sa vie quotidienne ?
Je ne pense pas qu'il faille réagir d'une façon spécifique si cela ne s'accompagne pas d'angoisse ou de gêne et si les signes de malaise que j'évoquais plus haut sont absents.
A l'inverse, il ne faut pas attendre d'avoir des signes de toc pour faire appel à un pédopsychiatre devant des signes non spécifiques de souffrance. Le rôle des parents n'est pas de faire le diagnostic de toc mais d'être attentifs aux signes de mal être de leur enfant (irritabilité, isolement , excès de perfectionnisme, anxiété voire dépression).C'est généralement cela qui va les conduire à consulter ; de toutes les manières cette consultation ne peut pas nuire s' ils sont inquiets.
Les parents doivent donc s'écouter lorsqu'ils sont inquiets, et consulter pour être éventuellement rassurés.
Dans les causes éventuelles de déclenchement d'un toc, vous évoquez dans votre livre une éducation à la propreté trop précoce ? En existe-t-il d'autres « aisément » identifiables ?
L'implication de l'éducation précoce à la propreté est une hypothèse seulement. Ce qui est prouvé c'est une certaine tendance familiale ; une des hypothèse est la suivante : dans certaine famille, les tendances à l'obsession et à la compulsion constituent une manière d'être qui peut favoriser l'émergence d'un toc comme forme privilégié d'expression des conflits de développement. Mais comme vous le savez, une autre hypothèse est que l'influence familiale relève de la génétique. Pour ma part, je pense que toutes ces hypothèses ont leur validité mais qu'il ne faut pas céder à la mode du tout génétique et oublier la dimension relationnelle des symptômes de l'enfant et de l'adolescent.
Si un parent a un toc dans une famille, existe-t-il des moyens préventifs pour diminuer la probabilité que l'enfant en ait aussi ?
Il n'y a pas à ma connaissance de moyen préventif spécifique ; la seule chose recommandable est d'être attentif aux signes de souffrance non spécifiques pour éviter les situations qui pourraient conduire l'enfant à structurer ses difficultés en des symptômes qui, toc ou non, sont gênants pour son développement et son bien être.
Pourquoi au moment de l'adolescence constatez-vous une recrudescence ?
Le plus probable est qu'à l'adolescence la question des liens avec l'entourage est si problématique que des symptômes de toute nature peuvent être utilisés à résoudre cette question.
Chez les sujets prédisposés, le toc peut donc être une des manifestations des difficultés de relation fréquentes à cet age.
Un Toc disparaît-il tout seul ou il devient chronique et s?amplifie systématiquement ?
Les tocs ont tendance à évoluer de façon fluctuante, mais vont généralement dans le sens d'une aggravation progressive s'ils ne sont pas traités. Ceci dit, il existe des résolutions plus ou moins spontanées, mais elles sont rares (10 à 15%). Les améliorations ou les rémissions sont par contre assez fréquents avec un traitement (50%).
Et le traitement ?
Comme je l'indique dans le livre, le traitement doit être construit avec un pédopsychiatre ; c'est lui qui déterminera avec le patient et sa famille le type de psychothérapie à entreprendre ; c'est généralement un suivi psychothérapique, d'inspiration psychanalytique, qui cherche à comprendre la fonction du symptôme chez l'enfant et dans ses relations avec les autres. Sur cette base ont peut également proposer des psychothérapies cognitives comportementales qui visent à réduire spécifiquement le symptôme. Des traitements médicamenteux peuvent être également proposé en deuxième intention ; il s'agit généralement de traitement antidépresseur qui doivent être prescrits et accompagnés par le pédopsychiatre.
A qui s'adresser ? Existe-t-il des associations de parents ?
On peut s'adresser à n'importe quel pédopsychiatre dans le privé, dans les secteurs de psychiatrie infanto-juvenile (les CMP) ou les services de psychiatrie universitaire.
Il y a aussi une association l'Aftocc / Association française de personnes souffrant de troubles obsessionnels et compulsifs.
http://www.aftoc.fr.st/
http://aftoc.club.fr/index.php
Virginie Langlois
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